Les ressources disponibles au sein d’une organisation étant habituellement limitées, il faut faire des choix selon le temps, le nombre de personnes qualifiées, les procédures en place ou les autres moyens disponibles. Et, dans bien des cas, la gravité réelle de l’évènement va être considérée. En caricaturant, pour une amputation ou une fracture, on va enquêter. Toutefois, pour une coupure ou une abrasion légère, on enquêtera plus ou moins, voire pas du tout. Or, il serait pertinent de considérer la gravité potentielle et non seulement réelle. En effet, le fait qu’un accident se soit terminé par des premiers soins et un retour au travail immédiat relève peut-être de la simple chance. Dans certains cas, les conséquences auraient pu potentiellement être nettement pires. Voilà pourquoi, considérer uniquement la gravité réelle peut amener l’organisation à passer à côté de véritables besoins d’amélioration via la mise en place de mesures correctives.
La même logique peut s’appliquer aux indicateurs en santé sécurité. La plupart des organisations utilisent le taux de fréquence comme indicateur principal, c’est-à-dire un ratio entre heures travaillées et accidents enregistrés. Sans remettre en cause son utilité, nous pouvons identifier deux lacunes importantes. D’une part, tous les accidents rapportables ont la même valeur. Des points de suture vont représenter un évènement… tout comme une amputation. Or, les conséquences pour la victime ne sont évidemment pas les mêmes. De plus, il s’agit d’un indicateur passif. En effet, l’accident enregistré est déjà survenu. Quelqu’un a déjà été blessé. Certes, l’enquête et analyse d’accident peut permettre la mise en place de mesures correctives empêchant que l’évènement se reproduise. Ceci est utile, mais l’intervention demeure réactive. Il a fallu attendre une blessure pour agir. Or, le but de la santé sécurité n’est-il pas de prévenir les accidents avant qu’ils ne surviennent?
Pour pousser la réflexion, nous pouvons extrapoler en considérant d’autres fonctions présentes dans une organisation. En contrôle qualité, savoir que 20% des produits ont été rejetés et envoyés aux poubelles est-il un indicateur satisfaisant? Évidemment, non. L’objectif sera plutôt d’analyser les activités de production depuis l’entrée des matières premières afin d’éviter les pertes de produits finis. Dans le même ordre d’idée, un département de finances n’attendra pas de découvrir avec surprise que les comptes bancaires de l’organisation sont dans le rouge pour se dire qu’il faut agir. C’est pourquoi des analyses sont effectuées en continu.
Alors pourquoi, en santé sécurité, se contenter du taux de fréquence ou du taux de gravité, c’est-à-dire des données qui sont connues alors qu’il est trop tard puisque les accidents sont déjà survenus? Il semble nettement plus pertinent d’utiliser des indicateurs proactifs. Tout d’abord, identifier les dangers inhérents aux différentes activités permet à l’organisation d’obtenir un portrait des risques présents et d’évaluer à quel niveau les individus y sont exposés. Des éléments observables et mesurables peuvent alors être utilisés afin de déterminer une première hiérarchisation de ces risques. Dans un second temps, l’estimation de la réduction du niveau de risques par les moyens de prévention en place permet de mesurer l’écart entre la situation voulue et la situation réelle. Bien entendu, plus l’écart est grand, plus la probabilité qu’un accident survienne est élevé. À partir de ces constats, il devient possible d’établir un plan d’action en ciblant des priorités.
Par la suite, une mesure régulière de ces écarts amène l’organisation à se doter d’indicateurs proactifs, basés sur des données objectives et non des perceptions. Ces indicateurs proactifs peuvent viser le respect de la réglementation et des règles internes, tout comme la compréhension et l’engagement en santé sécurité des travailleurs et du personnel cadre. Les personnes ayant lu nos chroniques précédentes reconnaîtront ici l’axe technique et l’axe humain. Pour ceux et celles qui ne savent pas de quoi il s’agit, rien n’est perdu! Nos chroniques sont disponibles sur notre site internet.
En résumé, l’organisation aura tout intérêt à utiliser des indicateurs proactifs et non à se contenter d’indicateurs réactifs.
L’objectif de la santé sécurité est de mettre en place une démarche de prévention. Des données doivent être utilisées afin de structurer celle-ci. Comme toute donnée de gestion, les informations utilisées doivent être objectives et quantifiables afin de déterminer des plans d’action favorisant une réduction mesurable des risques. De plus, en cas d’accident, il est pertinent de considérer la gravité potentielle et pas seulement la gravité réelle. Ainsi, il devient possible de contrôler si les moyens de prévention en place affichent une efficacité suffisante.
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